
La Capoeira, art martial afro-brésilien mêlant danse, musique et combat, incarne bien plus qu’une simple discipline physique. Issue d’un contexte historique complexe, elle porte les traces d’un passé de résistance et de survie culturelle. Originaire des luttes des esclaves africains emmenés au Brésil, la Capoeira se distingue aujourd’hui comme un symbole vivant de la Cultura Brasileira, témoignant d’une fusion unique entre traditions africaines et influences brésiliennes. À travers un parcours riche en épreuves et transformations, cette pratique séduit désormais un public mondial. Retour sur les origines profondes de la Capoeira et son évolution jusqu’à son rayonnement contemporain.
Exploration des racines historiques : de l’esclavage à la naissance de la Capoeira au Brésil
Le voyage historique de la Capoeira débute au début du XVIe siècle, époque à laquelle le navigateur portugais Pedro Álvares Cabral découvre le Brésil. Rapidement, ce territoire devient un point stratégique vital pour le Portugal, reliant les anciennes colonies et jouant un rôle clé dans le commerce transatlantique. Pour approfondir, cliquez sur horizon-marche-nordique.net. La main-d’œuvre nécessaire pour exploiter les vastes plantations de canne à sucre et autres cultures est ancrée dans un système esclavagiste brutal, fondé sur la déportation massive d’Africains, pour la plupart originaires de régions telles que le Soudan, l’Angola, le Congo et le Mozambique.
Environ quatre millions d’Africains furent ainsi transférés jusqu’au milieu du XIXe siècle, dans des conditions inhumaines causes de centaines de milliers de morts en mer. Cette diaspora ancienne amène avec elle une mosaïque de cultures très diverses, intégrées difficilement dans le contexte colonial mais richement conservées dans le quotidien des esclaves. Face à l’oppression, ils inventèrent des moyens cachés pour préserver leur identité et se défendre, donnant naissance à la Capoeira, un art martial originellement camouflé en danse. Ce déguisement permettait d’éviter la répression violente imposée notamment à partir de 1808 par le monarque Dom João VI, qui interdit toute forme de culture africaine pour mieux dominer la population esclave.
Avec la création de la Guarda Real do Palácio, une police spéciale pour traquer les pratiquants, la Capoeira se développa dans la clandestinité, notamment à Salvador de Bahia et Rio de Janeiro, dans des quartiers appelés Quilombos. Ces refuges abritaient des esclaves fugitifs qui perfectionnaient cet art du combat déguisé en jeux rituels et festifs. La Capoeira est ainsi emblématique d’un imaginaire de fuite et de résistance et traversera, au fil des décennies, des phases d’interdiction, de répression et de renaissance, tout en s’imposant comme un terrain de batailles politiques et sociales, notamment au tournant du XIXe siècle.
Les origines et les influences africaines et brésiliennes dans la Capoeira
Les origines exactes de la Capoeira restent sujettes à débat entre historiens et pratiquants, mais les pistes convergent vers un creuset culturel négocié entre Afrique et Brésil. Plusieurs hypothèses cohabitent, chacune mettant en lumière des éléments fondamentaux qui ont contribué à l’émergence unique de cette discipline.
Une théorie largement acceptée est celle qui définit la Capoeira comme une forme d’expression née de la lutte pour la liberté. Les esclaves, contraints de fuir vers les forêts, appelées Quilombos, développèrent un système de combat rudimentaire qui s’enrichit au sein de ces communautés isolées, sous la houlette de figures emblématiques comme Zumbi, chef du Quilombo dos Palmares. L’art martial en gestation mêlait alors techniques de défense et rituels communautaires, s’inscrivant à la fois dans la survie physique et dans la cohésion identitaire.
Une autre source d’inspiration provient d’Afrique, notamment du sud de l’Angola, où existe la danse/combat N’golo, ou « Danse du Zèbre ». Cette pratique initiatique, marquée par des mouvements acrobatiques et une dynamique rythmique comparable au berimbau de la Capoeira, aurait été transposée au Brésil avec les populations angolaises. Ce lien est renforcé par la présence d’instruments traditionnels comme le berimbau (appelé Hungu en Angola), qui joue un rôle central dans le jeu.
L’évolution sociale et culturelle de la Capoeira dans le Brésil moderne
Le XXe siècle marque un tournant capital dans l’histoire de la Capoeira grâce à des figures majeures comme Mestre Bimba et Mestre Pastinha qui façonnèrent la discipline et lui offrirent un cadre institutionnel et culturel reconnu. En 1930, parallèlement au gouvernement plus tolérant de Getúlio Vargas, Mestre Bimba ouvre la première académie officielle à Salvador de Bahia, qui sera reconnue dès 1937 par les autorités éducatives et sanitaires.
Cette reconnaissance entérine la fin d’un long cycle de répression et de clandestinité pour la Capoeira, malgré des contrôles étroits imposés par l’État. Elle devient progressivement un vecteur d’éducation, de discipline et de résistance culturelle, notamment à travers le Grupo Axé Capoeira, qui propagera l’art dans le monde entier à partir des années 1960. Des écoles et associations comme Destinos Capoeira en Europe et l’Association des Amis de la Capoeira en France participent activement à cette diffusion.
L’impact de la musique et des chants dans la tradition de la Capoeira
La musique, omniprésente, module le rythme et le style du combat. Les différents rythmes joués au berimbau, notamment le « Cavalaria », régulent non seulement le niveau d’intensité mais dictent aussi à la communauté capoeiriste quand il faut transformer un affrontement en simple danse pour ne pas alerter d’éventuelles autorités. Cette musicalité est essentielle à la philosophie unique de la Capoeira qui mêle jeu, ruse et combat.
Par ailleurs, chaque chant transmet des récits historiques, des messages codés et des valeurs essentielles à la communauté, renforçant l’identité collective. La capacité à chanter, jouer des instruments et improviser enrichit la pratique et crée un lien intergénérationnel fort, assurant la pérennité de cette tradition.
Capoeira aujourd’hui : un art martial inscrit au patrimoine mondial et vecteur d’identité culturelle
En 2014, la Capoeira a officiellement été inscrite sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. Cette reconnaissance souligne l’importance de cet art unique en son genre, à la fois sport, art, tradition et forme d’expression culturelle. Le cercle de Capoeira, la roda, est un espace rituel où s’échangent savoirs, gestes, rythmes et histoires, incarné par la relation respectueuse et solidaire entre le mestre, le contremaître et les élèves.
Cette institutionnalisation arrive après des siècles d’interdictions, de stigmatisation et d’efforts pour préserver une culture née de l’oppression et de la rébellion. La Capoeira symbolise désormais l’affirmation de la mémoire collective et la lutte contre l’oubli historique, notamment la mémoire de l’esclavage et de la colonisation.
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